Comment réaliser des vidéos HDR professionnelles
Qu'est-ce que la HDR ?
Le HDR, ou « High Dynamic Range », est principalement une augmentation de la plage de luminosité qu’un moniteur ou un téléviseur peut afficher. Jusqu’à récemment, la plupart des téléviseurs et des moniteurs ne pouvaient pas afficher une très grande plage de luminosité. Celle-ci se trouvait souvent autour de 6 diaphs. Les nouvelles technologies d’affichage, comme l’OLED (Organic Light Emitting Diode), et les avancées technologiques de rétroéclairage LCD, ont permis de produire des écrans pouvant afficher 10, et même plus, diaphs de plage dynamique. Ces écrans ne sont pas seulement plus lumineux, ils ont également un meilleur contraste dans les parties plus sombres de l’image.
Les images ci-dessus sont une simulation de la différence que vous pouvez voir entre une image SDR (à gauche) et une image HDR (à droite) lorsque vous avez un téléviseur ou un moniteur HDR. La plage dynamique et la plage de couleurs, toutes deux plus larges, de l’écran HDR permettent d’afficher une plus grande plage de tons clairs et une plus grande plage de couleurs.
Pour voir ce clip dans sa meilleure qualité 4K HDR, veuillez cliquer ici. Si le lecteur YouTube détecte un périphérique compatible, une icône HDR rouge s’affiche en option. La technologie HDR est désormais disponible nativement sur la plupart des téléphones mobiles et téléviseurs phares, et le nombre d’appareils compatibles croît chaque jour.
Comment filmer en HDR ?
Nous sommes de nombreux réalisateurs à déjà utiliser depuis plusieurs années des formats compatibles HDR, tels que Log ou Raw. Pour filmer du contenu adapté HDR, vous devez enregistrer avec un format disposant d’une très grande plage dynamique. Lorsque j’ai tourné mes prises du volcan Fagradalsfjall en Islande, je les ai enregistrées avec un mélange de S-Log3 et de ProRes Raw depuis mes caméras Sony FX6 et FX3. Lorsque vous filmez en S-Log3 ou RAW avec ces caméras, vous capturez une très grande plage dynamique, peut-être plus de 14 diaphs. C’est plus que sur les meilleurs téléviseurs et moniteurs HDR actuels. De plus, ces formats vous permettent de manipuler l’image en post-production via le processus d’étalonnage pour produire un contenu HDR d’une qualité exceptionnelle. La plupart des caméras Sony incluent également un mode HDR dédié et, dans ce mode, les caméras utilisent un gamma appelé « HLG ». HLG est l’un des gammas d’affichage utilisés dans les téléviseurs HDR. Le contenu tourné avec HLG n’a pas besoin d’être étalonné, car la caméra le capture directement en HDR, et il pourra être vu dans ce format sur un téléviseur compatible.
Avez-vous besoin d'exposer différemment en HDR ?
Lorsque vous filmez en HDR, il n’est pas nécessaire d’exposer différemment qu’en SDR (standard dynamique range). Je pense que beaucoup de gens ont l’impression qu’en HDR vous devez exposer plus lumineux, mais ce n’est pas forcément vrai. Vous devez vous rappeler que HDR signifie « plage dynamique élevée ». Il s’agit de toute la plage que vous capturez, et pas seulement de la luminosité. Les visages, les personnes, les usines et les bâtiments ne sont pas censés être plus lumineux en HDR qu’en SDR, ils devraient apparaître et être exposés de la même manière. Mais un téléviseur HDR peut tout aussi bien afficher des zones claires, telles que des reflets sur des surfaces brillantes ou un ciel très lumineux, que des détails et des textures dans des zones d’ombres profondes, qui seraient normalement perdus sur un écran SDR. Le secret est donc d’exposer correctement la plage moyenne, et les zones claires comme les zones d’ombres profondes devraient apparaître correctement exposées.
Filmer le volcan s’est avéré être assez difficile car le sol était très sombre, presque noir, alors que la lave coulante en fusion était très lumineuse. Il y avait peu d’éléments entre les deux pour évaluer l’exposition comme je l’aurais fait en situation normale. J’ai donc beaucoup utilisé les LUT intégrées dans la FX6 et la LUT s709 pour trouver visuellement un bon équilibre entre la lave solide sombre et la lave en fusion brillante. J’ai également utilisé le moniteur de forme d’onde pour mesurer mes niveaux d’enregistrement, cet outil permet de s’assurer que vous n’avez pas une exposition trop lumineuse ou trop sombre.
Dans les images ci-dessous, la première image provient du format S-Log3 de la caméra. Les deux autres images simulent la différence entre une qualité SDR (deuxième image) et HDR (troisième image) lorsqu’elles sont affichées sur un moniteur ou un téléviseur SDR et HDR. La plage moyenne des deux images étalonnées est légèrement différente, mais l’image HDR affiche une plage lumineuse plus importante et, par conséquent, les zones claires de cette image apparaîtront plus lumineuses sur un écran HDR.
Comment étalonner en HDR ?
Ma méthode préférée pour l’étalonnage HDR consiste à utiliser un logiciel d’étalonnage qui utilise un workflow avec gestion des couleurs. Un workflow avec gestion des couleurs vous permet de définir le format dans lequel vous avez filmé votre séquence, et le format dans lequel vous souhaitez la diffuser. Dans de nombreux cas, le logiciel peut lire les metadata du fichier vidéo pour comprendre le format de capture. Il devient aussi commun que le logiciel détecte également le type d’écran dont vous disposez. Il peut ainsi adapter correctement l’image entre ce que vous avez filmé et ce que vous allez visualiser. Bien sûr, pour afficher une sortie HDR, vous aurez besoin d’un moniteur HDR ou d’un téléviseur HDR. Si vous voulez vraiment fournir un contenu HDR de qualité, vous ne pouvez pas utiliser un téléviseur ou un moniteur SDR pour votre étalonnage.
Image ci-dessous : Les paramètres de gestion des couleurs dans DaVinci Resolve pour un workflow ACES S-Log3 vers HDR.
Quelle est l'importance des workflows avec gestion des couleurs ?
Ce type de workflow va devenir de plus en plus important dans les années à venir, car la demande de contenu compatible à la fois SDR et HDR augmente. J’utilise DaVinci Resolve pour mon étalonnage de couleurs et le workflow de gestion des couleurs ACES inclus. ACES signifie « Academy of Motion pictures Color Encoding System » (système d’encodage de couleurs de l’académie des films). Ce système a été conçu pour fournir un workflow de gestion des couleurs uniforme, qui peut être inclus dans de nombreuses applications de montage et d’étalonnage. À partir du logiciel Resolve, en utilisant ACES pour les préférences de gestion des couleurs, j’indique à ACES que j’ai filmé en S-Log3 et que je veux livrer en HDR. Le logiciel effectue alors toutes les transformations complexes nécessaires entre les séquences filmées et la façon dont il sera affiché en HDR. Il n’est pas nécessaire d’utiliser des Look-up Tables (LUT) ou tout autre outil, le logiciel fait tout ce travail compliqué à votre place. Puis, j’étalonne les séquences pour ajuster le rendu final. Si j’ai ensuite besoin d’une version SDR, je n’ai qu’à indiquer à Resolve/ACES de sortir en SDR/Rec709 plutôt qu’en HDR, et au lieu d’une sortie HDR, j’obtiens du SDR. Les outils de gestion des couleurs sont désormais intégrés à la plupart des meilleurs systèmes de montage et d’étalonnage des couleurs, notamment Adobe Premiere et Final Cut Pro.
Comment diffuser du contenu HDR ?
Ce secteur connaît actuellement beaucoup d’évolutions. Il y a encore quatre ou cinq ans, les écrans HDR étaient rares. Aujourd’hui, il y en a partout. La plupart des téléphones haut de gamme disposent également d’un écran HDR. Les téléviseurs HDR deviennent populaires, et ne coûtent pas beaucoup plus chers que les téléviseurs SDR de qualité similaire. Les PC sont également en train de rattraper leur retard, et de plus en plus d’écrans HDR équipent les ordinateurs portables. Mais tout le monde ne dispose pas encore d’écran HDR, et si vous affichez du contenu HDR sur un écran SDR sans le retoucher, le rendu n’est pas très plaisant pour l’œil. Heureusement, des plates-formes comme YouTube proposent maintenant la possibilité de convertir en SDR une vidéo téléchargée en HDR. Grâce à cette option, le spectateur qui regarde la vidéo à partir d’un écran SDR bénéficiera du meilleur format adapté à son appareil. Tandis que les spectateurs qui ont un écran compatible HDR verront le contenu HDR. Mais pour que cela fonctionne, YouTube et les autres plates-formes doivent identifier que le contenu est en HDR. C’est là qu’interviennent les metadata.
Metadata HDR
Les metadata sont des « données sur les données ». Lorsque vous encodez un fichier vidéo, beaucoup de metadata y sont ajoutées. L’un des avantages à utiliser un workflow avec gestion des couleurs est que lorsque vous encodez un fichier, le logiciel d’encodage ajoute naturellement les balises de metadata correctes qui marquent le fichier comme étant en HDR. Non seulement les metadata marquent le fichier de qualité HDR, mais également son type spécifique de HDR grâce aux informations sur le gamma cible et l’espace colorimétrique. Lorsque j’utilise DaVinci Resolve pour exporter un fichier à partir d’ACES, ou du workflow intégré de Resolve avec gestion des couleurs, l’encodeur ajoute automatiquement par défaut les balises de metadata qui correspondent aux paramètres de sortie cible du projet. De cette façon, lorsque je télécharge le clip final sur YouTube, la plate-forme sait qu’il s’agit d’une vidéo HDR et sur quel écran je l’ai visionnée au moment de l’étalonnage. Ces informations permettent ensuite à YouTube de convertir le fichier vers d’autres normes d’affichage. Ainsi, que le spectateur dispose d’un affichage HDR ou SDR, il voit toujours une image qui s’affiche correctement même si je n’ai téléchargé qu’un fichier de format HDR.
Choix de codec en HDR
En plus des metadata, vous devez également utiliser un codec de très haute qualité, de préférence un codec 10 bits. En effet, en raison de la plage dynamique plus grande et du contraste plus fort d’une image HDR, le risque de problème au moment de la compression est plus important. L’un des codecs les plus couramment utilisés pour la distribution de clips vidéo HDR est H.265. H.265 est un codec 10 bits qui utilise une compression très efficace pour maintenir une taille de fichier très compacte. La plupart des téléviseurs HDR peuvent lire directement à partir d’une clé USB les vidéo encodés en H.265. YouTube, Vimeo, et bien d’autres sont compatibles H.265, et même à des débits binaires modestes, la qualité reste très élevée. J’encode mes fichiers 4K H.265 à 35Mb/s, car il s’agit du débit binaire H.265 le plus élevé pris en charge par de nombreux téléviseurs HDR.
Vous pouvez consulter sur cette image les réglages d’encodage que j’ai utilisés pour la vidéo HDR du volcan.
Le HDR au sein des usages actuels
Le HDR s’est imposé, et il ne sera pas supplanté de sitôt. À l’avenir, le HDR va devenir la norme et remplacera le SDR. Cela ne se produira pas du jour au lendemain évidemment. C’est un cercle vertueux qui commence par la nécessité croissante de fournir des contenus en HDR à mesure que de plus en plus d’écrans sont compatibles avec. Et plus il y a d’écrans HDR, plus les utilisateurs exigent des contenus HDR de meilleure qualité. Dans le même temps, il devient beaucoup plus facile de filmer et de diffuser du contenu HDR de grande qualité. Il y a donc de nouvelles pratiques à apprendre pour les réalisateurs, comme s’assurer que votre contenu dispose des metadata correctes. Mais une fois cette phase d’apprentissage terminée, diffuser en HDR n’est pas plus difficile qu’en SDR. En HDR, la vidéo du volcan Fagrasdalsfjall me paraît plus proche de la réalité que lorsque je la regarde en SDR. Pour moi il n’y a donc aucun doute : c’est avec ce format que j’aimerais que les spectateurs la voient.
Si vous voulez en savoir plus sur ce tournage, vous pouvez lire mon article 4 saisons en une journée et un volcan bouillonnant.